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SUB SPECIE SPINOZÆ :

NIETZSCHE, LECTEUR DE SPINOZA

Unité et conservation de soi

Janvier 2018

       Le 28 août 1900, face au tombeau ouvert de son maître F. Nietzsche, Peter Gast ne cite qu’une seule personnalité historique dans son discours d’adieu. Il s’agit de Spinoza : « Tu étais parmi les plus nobles, les plus ingénieux esprits ayant jamais foulé cette Terre. [I]l n’est pas inutile de le rappeler devant ta sépulture. Car nous connaissons le monde ; nous connaissons le destin de Spinoza. Car le monde pourrait aussi bien déposer de l’ombre autour de la mémoire de Nietzsche [1] » [2]. Par ces mots, Gast souhaite éviter à Nietzsche de se voir ostracisé à la manière de Spinoza, dont la survie de la pensée fut difficile, tant de son vivant que de manière posthume.

Outre la singularité du lien entre les deux hommes tissé ici par Gast — entrainant sans doute Nietzsche à se retourner dans sa tombe — la proximité des pensées de ces deux philosophes est indéniable sur certains points. Nietzsche lui-même, lorsqu’il se familiarise avec la philosophie de Spinoza, dans le courant de l’été 1881, s’y retrouve à tel point qu’il écrit dans la célèbre lettre du 30 juillet à son ami F. Overbeck : « Je suis tout surpris, tout à fait enchanté ! J’ai un précurseur, et quel précurseur ! Je ne connaissais presque pas Spinoza : que maintenant j’aspire à lui, voilà qui a dû être une "action instinctive" […] je me retrouve en outre moi-même sur cinq points essentiels de sa doctrine [3] ». En effet, Nietzsche trouve alors chez Spinoza ses propres négations de la liberté de la volonté, des buts, de la structure morale du monde, du non-égoïsme et de la notion de mal absolu, qui sont, en 1881, des points clés de la pensée de Nietzsche, proche de ce que l’on appelle la période mature de celle-ci.

L’auteur d’Ainsi parlait Zarathoustra avait pourtant déjà eu vent de la philosophie spinoziste en 1865, lorsque, étudiant en philologie, il avait suivi le cours introductif à l’histoire de la philosophie de K. Schaarschmidt à l’Université de Bonn. Bien que Nietzsche s’étonne de cette rencontre avec Spinoza en 1881, on trouve cependant dans des écrits antérieurs plusieurs références à l’auteur de l’Ethique (notamment dans Humain, trop humain I [4], de 1878). Il semble donc que Nietzsche n’ait pas directement lu d’ouvrage de Spinoza avant cette découverte de 1881, qui n’est pas elle-même une entrée directe dans l’œuvre du philosophe néerlandais, mais une introduction par le biais du tome I de l’Histoire de la philosophie moderne de K. Fischer [5], qu’il demandait à Overbeck de lui envoyer à Sils Maria dans sa lettre du 8 juillet 1881 [6].

Nous ne nous poserons pas la question de savoir si Nietzsche a directement lu ou non le corpus spinoziste, dans la mesure où, comme le souligne H. Brobjer, « il est pratiquement impossible d’être certain que quelqu’un n’a pas lu un certain ouvrage, ou un certain auteur [7] », et qu’une telle recherche demanderaient un travail archéologique démesuré. Dans ce qui suit, nous concentrerons plutôt notre attention sur la variation des rapports entretenus par Nietzsche à la philosophie de Spinoza, qui, comme nous le verrons, passent assez radicalement de la louange (notamment en 1881, dans Aurore [8]) au blâme (à partir de 1882 avec Le Gai Savoir, sur lequel nous reviendrons).

En nous penchant sur les motifs doctrinaux poussant Nietzsche à réviser son approche de Spinoza, essayons donc de voir comment peut être réellement compris ce revirement : existe-il une réelle proximité entre les deux auteurs en même temps qu’une scission si nette que semble l’indiquer le Nietzsche de la fin des années 1880, ou doit-on plutôt voir dans ce rejet tardif de Spinoza par Nietzsche, une crainte de ce dernier de ne pas être réellement le pionnier du relativisme moral, comme le suggère A. U. Sommer ? 

Contre Sommer, essayons donc de dresser un portrait détaillé de la déficience notée par Nietzsche comme une forme de décadence dans l’œuvre de Spinoza. Dans un premier temps, nous nous pencherons sur la lecture pro-téléologique que donne Nietzsche de la célèbre formule spinoziste Sub specie æternitatis. Nous verrons ensuite l’influence que cette interprétation peut avoir sur la lecture du conatus spinoziste, cette idée d’effort de conservation de soi, conduisant Nietzsche à voir dans l’approche de Spinoza du bien et du mal, malgré la relativité qu’il leur octroie dans l’Ethique, une forme larvée de téléologie aux tendances nihilistes. De là, nous tâcherons d’éclaircir le lieu de scission entre Nietzsche et Spinoza à l’aide de l’opposition faite par Nietzsche entre l’amor dei (amour de Dieu) spinoziste et son amor fati (amour du destin).



       Au chapitre XVIII de L’Antéchrist (1889), Nietzsche emploie l’expression latine « sub specie Spinozæ » (littéralement : « selon une sorte de Spinoza »), déformant la formule spinoziste « sub specie æternitatis [9] » (littéralement : « selon une sorte d’éternité »). Outre la référence évidente à la considération spinoziste de l’éternité, Nietzsche joue sur la sonorité de « Spinozæ », qui rappelle le terme allemand traduisant « l’araignée » : « Die Spinne ».

Ce rapprochement, venant de Nietzsche, n’est pas anodin. À de nombreuses reprises, dans ses précédents ouvrages, il compare Spinoza à une araignée vénéneuse, tissant sa toile avec l’harmonie d’une précision mathématique pour mieux y attraper ses victimes. Dans Par-delà bien et mal, Spinoza fait partie des « philosophes et amis de la connaissance, [ces] esprits les plus graves [qui filent leurs] toiles d’araignées [10] ». Dans le Crépuscule des Idoles, les réflexions spinozistes sont comparées à des « ratiocinations arachnéennes d’anachorète [11] ». Cette araignée religieuse, qui mène une vie retirée dans la contemplation, on en retrouve la figure dans Ainsi parlait Zarathoustra, où Nietzsche fait à plusieurs reprise référence à l’Epeire diadème [12], cette « araignée porte-croix, une araignée rusée à l’affût, et qui prêche aux araignées elles-mêmes la prudence [13] », qu’il assimile à l’homme servile de Dieu et aux prédicateurs d’égalité ; ces « tarentules [qui excellent à] calomnier la vie et à brûler les hérétiques [14] ». Cette sorte d’araignée que Nietzsche voit en Spinoza n’étant pas ressortie spontanément de ses premières approches — pour ne pas dire « lectures » — de l’œuvre de ce dernier, voyons comment Nietzsche la trouve avant tout dans sa lecture d’une téléologie spinoziste, que l’on peut approcher par le biais du rapport entretenu par Spinoza à la notion d’éternité.

L’expression sub specie æternitatis (« selon une sorte d’éternité »), présente à de nombreuses reprises dans le corpus spinozien (également sous sa variante « sub specie quadam æternitatis [15] », c’est-à-dire « selon une certaine forme d’éternité »), qualifie une conception du monde par la raison à l’aune de laquelle le regard pourrait considérer les choses avec certitude. Cela est rendu possible par le fait que, selon Spinoza, l’éternité correspond à « l’existence elle-même en tant qu’elle est conçue comme suivant nécessairement de la seule définition d’une chose éternelle [16] ». Dès lors, concevoir les choses sub specie æternitatis permet de « concevoir les choses en tant qu’elles se conçoivent comme être réels par l’essence de Dieu [17] », c’est-à-dire concevoir les corps, ces « modes qui expriment l’essence de Dieu [18] », en fonction d’une certaine forme d’éternité qui est celle propre à leur essence. Ainsi, dans la mesure où la plus grande perfection de l’homme peut être atteinte par la connaissance des choses éternelles, cette félicité suprême spinoziste (selon M. E. Spencer, cet « état contemplatif [vient de] la chose ou sensation prise sub specie æternitatis[19] »), « toute connaissance impliquant un regard éternel est, par définition, subordonnée à la saisie de l’essence du corps sub specie æternitatis [20] […]. Les principes de la raison sont donc éternels, parce qu’ils expriment certaines propriétés de l’essence éternelle du corps [21] ». Du point de vue de Spinoza, donc, comprendre les choses sub specie æternitatis n’impliquerait aucune forme de finalisme, et serait même une conception anti-téléologique, comme le soulignent plusieurs passages de l’Ethique : « les hommes supposent communément que toutes les choses de la nature agissent, comme eux-mêmes, en vue d’une fin, et vont jusqu’à tenir pour certain que Dieu lui-même dirige tout vers une certaine fin [22] », mais « la Nature n’agit pas pour une fin [23] ».

Malgré ces expressions d’un anti-téléologisme très claires qui, semble-t-il, satisfirent Nietzsche en 1881, comment se fait-il que celui-ci puisse en venir par la suite à écrire dans ses notes : « Spinoza ou la téléologie comme Asylum Ignoranciæ [refuge de l’ignorance] [24] », reprenant la thèse de Fischer [25] ? Comme nous le verrons plus en détail dans ce qui suit, c’est à l’aide de l’idée de retour que Nietzsche parviendra à faire passer l’éternité du soi spinoziste pour un téléologisme. En effet, une telle conception cyclique du temps rend non seulement impossible une philosophie spéculative de l’histoire universelle — c’est-à-dire une conception du temps basée sur un avenir téléologique —, mais elle permet aussi de rendre aporétique la conception spinoziste d’une essence de l’être atemporelle, comme le montre un fragment posthume de 1885 : « quelles que puissent être les conséquences de ce mode de pensée et de ces désirs impardonnablement insensés, ce sont toujours encore les vieilles conceptions et aspirations religieuses, cette sorte de nostalgie qui pousse à croire que le monde est semblable par quelque côté au moins à ce Dieu tant aimé, ce Dieu infini à la puissance créatrice illimitée […] — cette nostalgie qui s’exprime dans la parole de Spinoza "deus sive natura [26]" [Dieu, c’est-à-dire la nature] [27] ». Ainsi, selon Nietzsche, Spinoza serait un « métaphysicien nostalgique ne pouvant supporter la vacuité d’un monde sans Dieu* [28] », pour reprendre l’expression de A. U. Sommer, et stipulant, pour combler ce manque, une unité de la nature — Dieu — indémontrable.

C’est en ce sens que Nietzsche, malgré les nombreuses assertions de l’Ethique contre cette idée [29], comprend Spinoza parmi les « métaphysiciens, ces albinos de la pensée. Tant ils filèrent leur toile autour de [ce Dieu du « grand nombre »] qu’hypnotisé par leur mouvement, il devint araignée lui-même [et] — sub specie Spinozæ — […] devint "chose en soi" [30] ». C’est également pour cette raison que Nietzsche parle de « l’inconséquence de Spinoza [31] », qui l’aurait conduit à réintroduire des « principes téléologiques superflus, tels que l’instinct de conservation [32] », sur lequel nous reviendrons.

Ainsi, bien que Spinoza indique à de nombreuses reprises être défavorable à un téléologisme qui ne serait pas décidé par l’homme, Nietzsche lui reproche de dissimuler celui-ci sous le masque d’un « charlatanisme de forme mathématique [33] ». Mais n’est-ce pas là, comme le suggère Sommer, une tentative de Nietzsche de « dépasser l’anti-téléologisme de Spinoza en l’accusant de réintroduire secrètement la téléologie dans le processus du monde [guidée] par la peur que Spinoza ait pu déjà découvrir ce qu’il voulait présenter comme étant proprement à lui* [34] » ?

Essayons de voir comment au contraire, par la critique du conatus et de l’approche spinoziste du bien et du mal, Nietzsche finit par justifier les reproches qu’il adresse à Spinoza, et à dépasser l’éternité de l’essence des corps du spinoziste à l’aide de la notion de devenir, qu’il propose de présenter comme un substitut à la causalité, si difficile à dépasser comme le souligne Sommer : « si quelqu’un envisageait sérieusement de poursuivre l’abolition de la causalité […] il n’y aurait plus personne pour "poursuivre" ce dépassement [puisque] les choses passées, présentes et futures ne pourraient plus être descriptibles les unes par rapport aux autres* [35] ».



Dans l’Ethique, le conatus est la formule utilisée par Spinoza pour exprimer « l’effort par lequel chaque chose s’efforce de persévérer dans son être [36] ». Nous avons vu que la chose ou sensation prise selon une sorte d’éternité permettait à l’homme d’atteindre un état contemplatif (genre le plus élevé de connaissance selon Spinoza), susceptible d’augmenter le degré de perfection des individus, qui passe par une augmentation de la puissance d’agir, ainsi que le suggèrent les propositions XI à XIII du troisième Livre de l’Ethique.

Malgré ce développement, Nietzsche identifie le conatus au seul souci de la conservation de soi, l’interprétant d’une manière plus hobbesienne que réellement spinoziste, comme le montre par exemple la reformulation qu’il en donne au cours de l’automne 1881 : « l’essence de chaque chose serait appetitus et […] cet appetitus consisterait à préserver dans l’existence [37] ». Pour Nietzsche, précisément, l’erreur d’une telle conception est de ne pas laisser de place à l’évolution — malgré l’idée de perfectionnement de soi — : « Le principe spinozien de la conservation de soi devrait, à vrai dire, mettre un terme à la modification : mais ce principe est faux, c’est le contraire qui est vrai. Précisément, c’est l’exemple de tout être vivant qui permet de démontrer le plus clairement qu’il fait tout pour non pas pour se conserver, mais devenir davantage… [38] ». En effet, pour Nietzsche, vouloir se conserver soi-même est l’expression d’une situation de détresse, d’une restriction de la véritable pulsion fondamentale de vie, qui tend à l’expansion de puissance [39] », différant cependant de la puissance que permettrait de mettre en forme le conatus, dans la mesure où la puissance d’agir spinoziste est orientée vers un télos, comme le souligne Sommer [40], tandis que l’expansion de puissance nietzschéenne (Nietzsche emploie le terme « Machterweiterung », qui exprime la détermination fondamentale de la volonté de puissance, « der Wille zur Macht », et dont il est presque le synonyme), est entièrement dénuée d’objectif et, en ce sens, véritablement anti-téléologique. Ainsi, comme le note également Spencer, Nietzsche ne voit « dans la préservation de soi de Spinoza rien de plus qu’une lutte pour la survie* [41] » de ce qui apparaît en termes nietzschéens comme la volonté de puissance d’un type particulier, là où Spinoza voit un perfectionnement de l’homme.

Nous voyons donc apparaître de la critique de la notion spinoziste d’éternité par Nietzsche comme reformulation masquée de téléologie une divergence des deux auteurs concernant le rapport à entretenir avec la notion d’individualité (de « soi ») ou, en un sens plus large, avec la notion d’unité. Au printemps 1888, Nietzsche s’attaque encore au conatus : « Pas d’autoconservation : chaque atome [qu’il identifie plus tard au concept d’unité] agit sur l’être tout entier […] [42] ». Pour Nietzsche, l’identité n’est rien d’autre qu’un double préjugé — des sens, et psychologique — permettant la compréhension des mécanismes du monde à l’aide de deux fictions — les concepts de mouvement et d’unité, à prendre en un sens kantien de catégories transcendantales. Ainsi, dit-il, « notre conception du concept de "moi" ne garantit en rien l’existence d’une unité réelle [43] ». Au contraire, celle-ci serait plutôt à considérer comme un outil, un repère pour se sauver de la trop dure épreuve de l’évolution (tant à l’échelle individuelle qu’à celle, plus large, de l’espèce). Dans Ainsi parlait Zarathoustra, on retrouve cette idée d’un « soi » éloigné de l’identité à soi immuable de l’ordre du conatus, qui complète l’idée initialement développée dans Humain trop humain II [44], reprenant elle-même le vers de Pindare [45] contre le Γνῶθι σεαυτόν (« Gnothi seauton » : « Connais-toi toi-même ») : « Le Soi est sans cesse à l’affût, aux aguets ; il compare, il soumet, il conquiert, il détruit. […] Par-delà tes pensées et tes sentiments, mon frère, il y a un maître puissant, un sage inconnu, qui s’appelle le Soi [46] ». De là, selon B. Benoit, la conservation de soi spinoziste s’ouvre chez Nietzsche sur un devenir autre : « au rebours de cette tendance [du conatus], c’est paradoxalement en surabondant que l’on se conserve, mais en métamorphosant, et dans une durée limitée [47] ».

Ainsi, selon Nietzsche, l’individu ne se caractérise pas par sa capacité à rester unique, mais bien par le fait de ne pas constituer d’unité, contrairement à Spinoza, pour qui « une substance absolument infinie est indivisible [48] ». Pour Nietzsche, au contraire, « nous sommes face à un continuum dont nous isolons quelques éléments [49] », mais qui ne devrait en aucun cas être considéré comme « une abominable unité [50] », qui n’est que le fruit malheureux de notre perception imprécise [51].

Nous avons vu que l’attentat mis en œuvre par Nietzsche contre la téléologie qu’il prétendait retrouver chez Spinoza se retrouvait à l’échelle individuelle dans une attaque contre la conservation de soi, mise à mal au profit d’une intention de développement de soi. Essayons maintenant de comprendre comment ces considérations peuvent être étendue à l’échelle sociale, et permettre d’entendre la critique nietzschéenne du relativisme spinozien concernant les notions de bien et de mal — relativisme pourtant très proche de celui de Nietzsche.



Dans l’Ethique [52], le bien est défini comme ce qui permet d’accroître notre volonté d’effectuer le conatus, et le mal comme ce qui, au contraire, empêche ou diminue cet effort. Ainsi, le bien et le mal sont, selon Spinoza, des créations humaines, venant de leur condition et de leur désir d’atteindre une plus grande perfection. En effet, dit-il, « si les hommes naissaient libres, ils ne formeraient aucun concept de chose bonne ou mauvaise [53] ». Si les hommes étaient guidés uniquement par leur raison, selon Spinoza, « ils prendraient les choses pour ce qu’elles sont et non pour ce qu’elles valent à leurs yeux [54] ». Nietzsche s’accorde avec lui dans la mesure où tous deux considèrent que les notions de bien et de mal sont le fruit de l’imagination, des vocables relatifs qui « n’indiquent rien de positif dans les choses […] et ne sont autre chose que des modes de penser ou des notions que nous formons parce que nous comparons les choses entre elles [55] », comme le souligne Spinoza. Et l’auteur d’Ainsi parlait Zarathoustra, à son tour, stipule que « bien et mal ne sont que des interprétations, en aucun cas des faits, ou choses-en-soi [56] ».

Malgré leur relativité, « cependant il nous faut conserver ces vocables [57] », pour Spinoza, dans la mesure où l’homme étant imparfait et tendant à « perfectionner l’Entendement ou la Raison [du fait qu’] en cela seul consiste la félicité suprême ou béatitude de l’homme [58] », qui pourrait s’apparenter au souverain bien aristotélicien. Constatant l’insuffisance de l’homme du peuple — stagnant au premier genre de connaissance (celui des sens) —  Spinoza voit dans les notions de bien et de mal, qui « naissent […] de la rencontre de l’homme et du monde [59] », un moyen pour l’homme d’atteindre une perfection plus grande, notamment en élevant leur rapport aux choses au troisième degré de connaissance (celui de la raison philosophique). Ainsi, pour Spinoza, « il est tout aussi vain de demander à quelqu’un de changer brusquement de valeurs que de lui demander de changer de corps [60] » souligne C. Jaquet, du fait que les valeurs morales sont nécessaires dans la mesure où elles permettent à l’homme, dit-il, de se « rapprocher de plus en plus du modèle de la nature humaine que nous proposons [61] ».

Là peut être identifié le lieu de scission entre Nietzsche et Spinoza. Contre l’auteur de l’Ethique, qui décide de choisir un modèle à imposer à la « morale vulgaire [62] », Nietzsche choisit de laisser à l’individu la liberté de choisir le modèle moral qui lui convient ; de laisser libre cours à l’expression de la volonté de puissance. Pour Nietzsche, c’est en imposant ce télos moral que Spinoza retombe dans la téléologie qu’il cherchait tant bien que mal à éviter, et qu’il se voit compris, avec Kant et Schopenhauer, parmi les médiums de la volonté de puissance du prêtre, les moralistes aux penchants nihilistes qui méprisent l’homme vivant au profit d’un idéal, qu’ils chercheraient à atteindre à l’aide du « principe de la "méchanceté désintéressée" (ou pour parler avec Spinoza, la "sympathia maleovens [sympathie malveillante] [63]") [64] ».

Ainsi, pour Nietzsche, Spinoza retombe contre son gré dans la toile de l’araignée porte-croix, qu’il critiquait lui-même dans l’Appendice du Livre I de l’Ethique : « ils savent bien que détruire l’ignorance, c’est détruire l’étonnement imbécile, c’est-à-dire leur unique moyen de raisonner et de sauvegarder leur autorité [65] ». Du point de vue de Nietzsche, l’imposition de valeurs de bien et de mal soutenant un modèle particulier de nature humaine revient précisément à conserver cet « étonnement imbécile » et à le renforcer en faisant croire aux hommes qu’ils raisonnent philosophiquement sur la nature des choses tandis qu’ils ressassent un présupposé moral reposant sur la décision de valoriser un modèle d’homme particulier. L’erreur de Spinoza, du point de vue de Nietzsche, serait de confondre le fait et son interprétation, de mathématiser les interprétations, dans la mesure où le concept d’homme choisi par l’éthique spinoziste se présente comme un universel : pour Spinoza, « il est […] vain de caresser l’illusion d’un immoralisme radical. Autant demander à l’homme de ne plus être un homme [66] ».

Nietzsche s’oppose donc à la morale utilitariste de Spinoza, dont le propos semble alors présenté comme un serpent se mordant la queue, critiquant tantôt la tendance de ceux qui, incapables de raisonner et cherchant à « atteindre l’utile […] en viennent à considérer les choses existant dans la nature comme des moyens à leur usage [67] », pour ensuite lui-même appeler au maintien des vocables de bien et de mal pour leur utilité à servir le conatus. Au §260 de Par-delà bien et mal, Nietzsche critique ce recours à l’utilité comme le propre d’une morale des esclaves : « Le regard de l’esclave [voit dans] la pitié, l’esprit de serviabilité et d’altruisme, l’affection, la patience, l’empressement, l’humilité, l’amabilité […] les qualités les plus utiles, et à peu près les seuls remèdes pour supporter le poids de l’existence. La morale des esclaves est essentiellement une morale utilitaire [68] ». Mais l’existence n’est pas lourde en soi : c’est le modèle choisi — par l’esclave, sub specie Spinozæ — qui est le poids le plus lourd.

Ainsi, Spinoza prône une forme ouverte d’altruisme (« les forces de chacun ne suffiraient guère si les hommes ne se rendaient de mutuels services [69] ») là où Nietzsche semble recommander l’isolation d’un Zarathoustra sur sa montagne. Or, là encore, une étude plus attentive des deux rapports aux autres nous montre que l’altruisme de Spinoza, étudié selon la critique qu’en donne Nietzsche, se présente plutôt comme un égoïsme dissimulé sous le masque de l’utilité [70], tandis qu’un Zarathoustra entouré d’esprits libres n’aura plus ce regard d’incompréhension trop humain à fuir, et pourra rester librement avec d’autres individus, véhicules de volontés de puissances similaires : « l’homme dur [The strong man] ne voit pas de différence entre l’égoïsme et l’altruisme, "c’est un troupeau indistinct qui trouve là une antithèse"* [71] ».

Cette scission entre Nietzsche et Spinoza peut être vue comme le résultat de deux différents rapports à la raison et aux émotions. Pour Spinoza, la béatitude de l’homme, qui correspond à l’atteinte de Dieu par le biais de l’atteinte de l’essence éternelle de son propre corps, partie du tout divin, se fait par la raison. L’imagination, au contraire, est une entrave à la progression vers cette béatitude dans la mesure où ses fictions se présentent à l’entendement comme des vérités sur les choses (pour ceux qui seraient limités au premier genre de connaissance). « La différence entre Nietzsche et Spinoza est que Nietzsche accueille aussi bien les émotions que la raison, tandis que Spinoza maintient que l’homme sage ne persévère dans son être que s’il n’a rien d’autre que des idées adéquates [if he has adequate ideas alone] * [72] » dit Spencer. Nietzsche, en effet, s’oppose à cette intelligere spinoziste, qui voudrait bannir les émotions au profit de la raison, tandis que lui ne voit en celle-ci rien d’autre que le moyen précis de comprendre ces émotions : « Ce que signifie connaître. — Non ridere, non lugere, neque detestari, sed intelligere [73] ! dit Spinoza […]. Pour autant : qu’est-ce en dernière instance que cet intelligere, sinon la forme sous laquelle ces trois processus justement nous deviennent soudain perceptibles ? [74] »

Ainsi, par la mise en évidence des points fondamentaux opposant Nietzsche et Spinoza, notamment en précisant comment se justifiait une lecture téléologique de l’éthique spinoziste d’un point de vue nietzschéen, nous pouvons rejeter l’interprétation de Sommer, selon laquelle la critique de Nietzsche serait mue par « la peur que Spinoza ait pu déjà découvrir ce qu’il voulait présenter comme étant proprement à lui* [75] ».

En ce sens, nous voyons que la formule nietzschéenne d’amor fati, malgré son origine stoïcienne (Nietzsche l’emprunte à Marc Aurèle), se dresse bien comme une réponse à l’amor intellecualis spinozien [76]. Cet amour du destin, qui définit pour Nietzsche la grandeur d’un homme [77], ne doit en aucun cas se comprendre comme l’amour d’un destin nécessaire, d’une harmonie préétablie, mais bien comme l’amour du hasard, l’émotion prise dans l’inattendu. C’est dans cet amor fati seul que peut se réaliser l’idéal philosophique de Nietzsche ; la pensée dionysiaque, « force créatrice, formatrice et en continuelle métamorphose [78] », fruit d’une constante redécouverte de soi, contre l’idéal unifié des araignées porte-croix : or, précisément, il n’y a « rien de moins grec [entendons « dionysiaque »] que des ratiocinations arachnéennes d’anachorète, l’amor intellectualis dei à la manière de Spinoza [79] ».



       Bien qu’il semble que Nietzsche ait approché une sorte de Spinoza — le Spinoza de K. Fischer — plutôt que de s’être directement confronté à cet auteur, nous avons vu que la lecture nietzschéenne de l’anti-téléologisme spinozien comme un téléologisme larvé pouvait trouver justification dans la considération des lieux où Nietzsche a l’habitude de voir l’application d’un principe téléologique [80] ; le refus d’une finalité historique, le rejet d’une individualité fermée par le biais d’une conservation de l’unité, et le rejet d’un choix arbitraire des valeurs de bien et de mal.

Ainsi, malgré un effort certain noté par Nietzsche chez Spinoza pour échapper à la téléologie, celui-ci retombe dans ce qu’il cherchait à dépasser en valorisant l’utilité du bien et du mal déterminés par un modèle particulier. Nietzsche, qui pensait trouver en Spinoza, « ce penseur solitaire tout à fait hors norme [81] », une solitude comparable à la sienne, finit par découvrir dans l’esseulement de Spinoza une volonté aussi profonde que subtile de revenir aux insuffisances des autres, là où il espérait trouver un penseur cherchant à devenir autre lui-même et à voir les autres s’accomplir dans le devenir. Ainsi résume-t-il, en automne 1884, cette désillusion :



                                                     À Spinoza.


                                   Amoureusement dévoué à l’"Un en tout",

                                   Un "amor dei", bienheureux, par raison —

                                   Pieds nus ! Terre trois fois bénie !...

                        Pourtant sous cet amour couvait

                                   La braise dévorante et secrète de la vengeance :

                                   — Haine d’un juif rongeant le Dieu des Juifs ! —

                                   — Solidaire, t’ai-je bien deviné ? [82]



Notes : 

[1] Cité par A. U. Sommer ; « Nietzsche’s reading on Spinoza », p. 156.

[2] Nous traduisons (dans ce qui suit, nos traductions seront indiquées par une astérisque). 

[3] F. Nietzsche, Correspondance, t. IV, 135, p. 117.

[4] Cf. F. Nietzsche, Humain trop humain I, §157 et §475.

[5] K. Fischer, Geschichte der neueren Philosophie, 3e éd., Munich, 1880.

[6] Cf. F. Nietzsche, Correspondance, t. IV, 123, p. 107 : « J’aimerais recevoir quelques livres de la bibliothèque ou du cercle de lecture […] ainsi que le livre de Kuno Fischer sur Spinoza ».

[7] H. Brobjer, Nietzsche’s Philosophical Context. An intellectual Biography, note 82 p. 77.

[8] Cf. F. Nietzsche, Aurore, §481, §497 et §550.

[9] B. Spinoza, Ethique, V, prop. XXIX, démonstration, p. 329 (« Les choses conçues comme actuelles […] nous les concevons avec une sorte d’éternité »).

[10] F. Nietzsche, Par-delà bien et mal, II, §25, p. 44.

[11] F. Nietzsche, Crépuscule des Idoles, IX, §23, p. 71.

[12] Cf. F. Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, III, « Des renégats », p. 232 ; « De l’esprit de pesanteur », p. 243 ; « Des sept sceaux », p. 284.

[13] F. Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, III, « Des renégats », p. 232.

[14] Ibid., II, « Des Tarentules », p. 145.

[15] On trouve cette formulation plus prudente de Spinoza notamment dans l’Ethique (II, XLIV et démonstration du corollaire II), le Traité de la réforme de l’entendement (§108), et le Traité théologico-politique (chap. VI, 8).

[16] B. Spinoza, Ethique, I, Définition VIII, p. 22.

[17] Ibid., V, Prop. XXX, Démonstration, p. 329.

[18] Ibid., II, Définition I, p. 69.

[19] M. E. Spencer, « Spinoza and Nietzsche – A Comparison », p. 79.

[20] Cf. B. Spinoza, Ethique, V, Prop. XXIX : « Tout ce que l’âme connaît comme ayant une sorte d’éternité, elle le connaît non parce qu’elle conçoit l’existence actuelle présente du Corps, mais parce qu’elle conçoit l’essence du Corps avec une sorte d’éternité ».

[21] C. Jaquet, Les expressions de la puissance d’agir chez Spinoza, I, Chap. IV, p. 53.

[22] B. Spinoza, Ethique, I, Appendice, p. 61.

[23] Ibid., IV, Préface, p. 218.

[24] F. Nietzsche, Œuvres Philosophiques Complètes, t. IX, Fragment 11[194], p. 519.

[25] Cf. K. Fischer, Geschichte der neueren Philosophie, p. 235 [à propos de l’appendice du Livre I de l’Ethique] : « L’explication du but doit finalement recourir à la volonté de Dieu, qui a tout créé de sorte que tel ou tel événement puisse avoir lieu. Cette volonté, cependant, est inatteignable par l’homme si bien que la seule échappatoire pour la pensée téléologique est l’"asylum ignorantiæ"* ».

[26] Cf. B. Spinoza, Ethique, IV, Prop. IV, Démonstration, p. 224 : « La puissance par laquelle les choses singulières et conséquemment l’homme conservent leur être est la puissance même de Dieu ou de la Nature [Dei sive Naturæ] ».

[27] F. Nietzsche, Œuvres Philosophiques Complètes, t. XI, Fragment 36[15], p. 288 (cf. également la note intitulée « Les métaphysiciens », in, OPC, t. XII, Fragment 7[4], p. 259).

[28] A. U. Sommer, « Nietzsche’s reading on Spinoza », p. 165.

[29] Cf. Ethique, I, Appendice, p. 63 (« La nature n’a aucune fin à prescrire et […] toutes les causes finales ne sont rien que des fictions de l’homme »), ainsi que les passages cités précédemment (I, Appendice, p. 61 ; IV, Préface, p. 218).

[30] F. Nietzsche, L’Antéchrist, XVII.

[31] F. Nietzsche, Par-delà bien et mal, I, §13, p. 27.

[32] Ibid.

[33] Ibid., §5, p. 16.

[34] A. U. Sommer, « Nietzsche’s reading on Spinoza », p. 175.

[35] Ibid., p. 178.

[36] B. Spinoza, Ethique, III, Prop. VII, p. 143.

[37] F. Nietzsche, Œuvres Philosophiques Complètes, t. V, Fragment 11[307], p. 425.

[38] Ibid., t. XIV, Fragment 14[121], p. 91.

[39] F. Nietzsche, Le Gai Savoir, V, §349, p. 296.  

[40] Cf.  A. U. Sommer, « Nietzsche’s reading on Spinoza », p. 173 : « en ce qui concerne la préservation de soi, Spinoza a retenu un télos, un objectif, à savoir un soi à préserver* ». 

[41] M. E. Spencer, « Spinoza and Nietzsche – A Comparison », p. 73.

[42] F. Nietzsche, Œuvres Philosophiques Complètes, t. XIV, Fragment 14[79], p. 56.

[43] Ibid., p. 57.

[44] Cf. F. Nietzsche, Humain trop humain II, « Opinions et sentences mêlées », §366, in OPC, t. III, 2, p. 157 : « Veuille un moi, et tu deviendras quelqu'un ».

[45] Cf. Pindare, Pythiques, II, vers 72 (à Hiéron Ier, tyran de Syracuse) : « Deviens ce que tu es quand tu l’auras appris ».

[46] F. Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, I, « Des contempteurs du corps », p. 72.

[47] B. Benoit, « Nietzsche lecteur de Spinoza », p. 493. 

[48] B. Spinoza, Ethique, I, Prop. XIII, p. 34.

[49] F. Nietzsche, Le Gai Savoir, III, §112, p. 168. 

[50] F. Nietzsche, Ecce Homo, « Pourquoi je suis un destin », §8, p. 355.

[51] Cf. F. Nietzsche, Humain trop humain II, « Le voyageur et son ombre », §11, in OPC, t. III, 2, p. 181 : « Notre perception courante, imprécise, prend un groupe de phénomènes pour une unité et l’appelle un fait ».

[52] Cf., en particulier : Livre III, Prop. XXXVIII & XXXIX ; Livre IV, Prop. VIII ; Appendice, V.

[53] B. Spinoza, Ethique, IV, Prop. LXVIII, p. 285.

[54] C. Jaquet, Les expressions de la puissance d’agir chez Spinoza, II, Chap. 2, p. 77.

[55] B. Spinoza, Ethique, IV, Préface, p. 219.

[56] F. Nietzsche, Œuvres Philosophiques Complètes, t. XII, Fragment 2[131], p. 132 (trad. modifiée).

[57] B. Spinoza, Ethique, IV, Préface, p. 219.

[58] Ibid., Appendice, Chap. IV, p. 292.

[59] C. Jaquet, Les expressions de la puissance d’agir chez Spinoza, II, Chap. 2, p. 81.

[60] Ibid.

[61] B. Spinoza, Ethique, IV, Préface, p. 219.

[62] C. Jaquet, Les expressions de la puissance d’agir chez Spinoza, II, Chap. 2, p. 80.

[63] P. Wotling souligne que cette expression « n’apparaît pas en ces termes chez Spinoza » (Généalogie de la morale, note 3 p. 135), et suggère qu’elle puisse renvoyer à l’Ethique, III, Prop. XXXII, p 209.

[64] F. Nietzsche, Généalogie de la morale, II, §6, p. 135.

[65] B. Spinoza, Ethique, I, Appendice, p. 65.

[66] C. Jaquet, Les expressions de la puissance d’agir chez Spinoza, II, Chap. 2, p. 82.

[67] B. Spinoza, Ethique, I, Appendice, p. 62.

[68] F. Nietzsche, Par-delà bien et mal, IX, §260, p. 244.  

[69] B. Spinoza, Ethique, IV, Appendice, Chap. XXVIII, p. 299.

[70] Spinoza le note lui-même (Cf. Ethique, IV, Appendice, Chap. XIII, p. 295) : « Il est utile aux hommes d’avoir des relations sociales entre eux, de s’astreindre et de lier de façon à ce qu’ils puissent former un tout bien uni » (nous soulignons).

[71] M. E. Spencer, « Spinoza and Nietzsche – A Comparison », p. 84 (citant W. M. Salter, Nietzsche the Thinker).

[72] M. E. Spencer, « Spinoza and Nietzsche – A Comparison », p. 75.

[73] « Ne pas rire, ne pas pleurer, ne pas détester, mais comprendre ! » (L’auteur souligne).

[74] F. Nietzsche, Le Gai Savoir, IV, §333, p. 267.

[75] A. U. Sommer, « Nietzsche’s reading on Spinoza », p. 175.

[76] Cf. F. Nietzsche, Le Gai Savoir, V, §372, p. 338 : « ce qui est resté de Spinoza, amor intellectualis dei, est un cliquetis [d’ossements de formules, de mots], rien de plus ! »

[77] Cf. F. Nietzsche, Ecce Homo, « Pourquoi je suis si sagace », §10, p. 141 (« Ma formule pour tout ce qu’il y a de grandeur dans l’homme est amor fati »), cf. également Ecce Homo, « Le Cas Wagner », §4, p. 327 (« amor fati, telle est ma nature la plus intime »).

[78] F. Nietzsche, Par-delà bien et mal, VII, §230, p. 193.

[79] F. Nietzsche, Crépuscule des idoles, IX, §23, pp. 71-72.

[80] Concernant les principaux arguments contre la téléologie, voir les notes de Nietzsche pour le projet de thèse de 1868 (in F. Nietzsche, La téléologie à partir de Kant, Fragments 62[7-35], p. 29 sqq.).

[81] F. Nietzsche, Correspondance, t. IV, 135, p. 117.

[82] F. Nietzsche, Œuvres Philosophiques Complètes, t. XI, Fragment 28[49], p. 39.  

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Bibliographie : 

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Humain trop humain I (trad. R. Rovini), Paris : Éd. Gallimard (coll. Folio Essais), 1988.

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Par-delà bien et mal (trad. C. Heim), Paris : Éd. Gallimard (coll. Folio Essais), 1968.

La Téléologie à partir de Kant (trad. A. Taton), Paris : Éd. Eterotopia France (coll. Rhizome), 2017.


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Spencer, M. E., « Spinoza and Nietzsche – A Comparison », in The Monist, Vol 41, n°1 (Janvier 1931), Éd. Oxford University Press, pp. 67-90.


Spinoza, B., Ethique (trad. C. Appuhn), Paris : Éd. Flammarion (coll. GF), 1965.

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