Réalités entre-deux
NIETZSCHE ET LE GRAND CHINOIS DE KÖNIGSBERG
Le dépassement de la téléologie par une esthétique de la métamorphose dionysiaque
Dès ses plus vertes années de philologue, en s’initiant à la philosophie par la lecture du Monde comme volonté et représentation de Schopenhauer ou en tant qu’étudiant suivant le cours d’introduction à l’histoire de la philosophie de K. Schaarschmidt en 1865 à Bonn [1], Nietzsche a côtoyé de relativement près la pensée de Kant, tantôt pour la suivre, et tantôt pour en dresser une critique virulente.
Contrairement à ce qu’affirme C. Gentili, selon lequel « Nietzsche ne se réfère pas souvent explicitement à Kant, mais plutôt de manière latente ou allusivement [2] » [3], celui-ci mentionne Kant à de nombreuses reprises dans ses ouvrages, de La Naissance de la tragédie (1872) à Ecce Homo ou L’Antéchrist (1888), en passant par les Considérations inactuelles (1874), Aurore (1881), ou Par-delà bien et mal (1886), et d’autres. Dans ces écrits, Nietzsche se penche tant sur la philosophie de Kant et son personnage de philosophe que sur l’homme ou son influence sur la culture allemande et européenne. C’est ainsi, par exemple, qu’il lui attribue le surnom de « grand Chinois de Königsberg [4] », soulignant par-là l’obsession méticuleuse de Kant pour les définitions conceptuelles et la rigueur conséquente de la structure de ses arguments — en effet, dans Aurore, il appelle Chinois ceux « qui amèneraient [en Allemagne] la façon de vivre et de penser qui convient à des fourmis travailleuses [5] », de même que dans L’Antéchrist, les vertus morales kantiennes sont le lieu de « la chinoiserie [Chinesentum] de Königsberg [6] ».
Trop méticuleux, « le vieux Kant [7] » se voit reprochée par Nietzsche sa « volubilité résultant d’une provision excessive de formules conceptuelles […] résultant du plaisir pris au renouvellement incessant de tournures pour exprimer la même chose [8] ». Kant, comme Hegel, est donc présenté par Nietzsche comme un « ouvrier de la philosophie [9] », qui établit sur la politique, la morale et l’esthétique une masse considérable de jugements de valeurs, prises comme vérités pour un temps. Dans ses derniers écrits, Nietzsche va jusqu’à qualifier Kant de « grand frein à la droiture intellectuelle en Europe [10] », un « cant, qui n’est autre que la tartufferie morale […] sous le masque nouveau de l’esprit scientifique [11] », reprenant en consonance l’expression qu’il trouve chez Stendhal [12].
Ces nombreuses références à Kant sont, nous le voyons, bien peu élogieuses. Cependant, comme le souligne O. Reboul, il n’est rien de plus facile que de retrouver une influence positive de l’auteur des trois Critiques dans l’œuvre de Nietzsche, qui est « dans un sens le continuateur de Kant [13] », notamment dans le projet de thèse de doctorat du jeune philologue, qui envisageait en 1865 de travailler sur La téléologie à partir de Kant, en se concentrant sur les applications de cette téléologie au niveau de l’organique, tout en cherchant à la discréditer. Bien que ce projet ait été avorté et que la thèse n’ait finalement jamais été écrite, la réflexion de Nietzsche semble pour sa part n’avoir pas été entièrement abandonnée, et peut se retrouver, sous une forme certes bien différente, dans les ouvrages plus matures.
Essayons donc de voir comment évolue cet « anti-téléologisme prononcé [comme] constante de toute la pensée nietzschéenne [14] » dans son rapport à la philosophie kantienne, en montrant que la démarche de dépassement de la téléologie du jeune Nietzsche, tournée vers les sciences biologiques, s’est ensuite orientée vers l’art dionysiaque et ses métamorphoses. Dans un premier temps, nous verrons que le rapport à Kant entretenu par Nietzsche vient avant tout de ses lectures de Schopenhauer, en montrant comment la confrontation des deux auteurs entraine Nietzsche à critiquer leur rapport à l’histoire. De là, nous nous pencherons plus particulièrement sur la critique de la causalité et de la téléologie kantiennes par Nietzsche en revenant sur les principaux arguments proposés par le projet de thèse de 1868. À partir des considérations morales vers lesquelles nous auront conduits ces arguments, nous nous concentrerons enfin sur le tournant esthétique que Nietzsche fait prendre à la critique de la téléologie en étudiant son rapport à la notion d’identité, ce qui nous amènera aux considérations sur le métamorphisme de l’art dionysiaque inspiré des travaux d’histoire naturelle de Goethe.
Ainsi, nous montrerons que Nietzsche, empruntant des chemins détournés, répond finalement à son problème de départ : « Grands hommes et fleuves font des détours sinueux, mais qui les mènent à leur but : c’est leur courage le plus grand, de ne pas craindre les voies détournées [15] ».
Au moment du projet de thèse de 1868 (le jeune philologue est alors âgé de 24 ans), qui représente son premier réel intérêt pour la philosophie kantienne, Nietzsche montre peu de références directes à l’œuvre du philosophe de Königsberg. En effet, comme le souligne A. K. Jensen [16], les notes constituant les travaux préparatoires de Nietzsche s’inspirent pour la plupart d’ouvrages de Kuno Fischer (Geschichte der neuern Philosophie, 1854-77, et Immanuel Kant, 1860) et de F. A. Lange (Geschichte der Materialismus, 1866), qu’il cite directement.
Pourtant, il semble que ce projet de thèse trouve plus son origine dans la lecture du Monde comme Volonté et représentation de Schopenhauer — que Nietzsche découvre « à l’âge de vingt-et-un ans […] chez un libraire de Leibniz, en octobre ou novembre 1865* [17] » — que dans les lectures de commentaires de Kant, puisque ce projet manifeste de l’ambition de l’étudiant de compléter le projet kantien de restreindre l’application du concept de causalité à la stricte sphère des phénomènes en admettant la cause efficiente au niveau des phénomènes plutôt qu’à celui de la chose en soi. Or, cette ambition n’a pu prendre forme que par la lecture du Monde comme volonté et représentation [18], qui poussa Nietzsche à se pencher sur la question de la chose en soi kantienne, comme le note T. Doyle : « la figure médiatrice de cet échange est Schopenhauer, qui attira l’attention de Nietzsche sur le problème de la causalité […] chez Kant, et qui trace finalement le chemin de Nietzsche vers le dépassement des points de vue de ces deux auteurs voulant que les déterminations internes ne s’obtiennent qu’au niveau non-phénoménal* [19] ». Nietzsche, en effet, finira par rejeter tant la chose en soi kantienne que l’idée de volonté schopenhauerienne, au profit de l’interprétation des phénomènes.
En 1872, dans La Naissance de la Tragédie, Nietzsche loue Schopenhauer et Kant pour avoir vaincu l’optimisme rationaliste hérité de Socrate. Kant, dit alors Nietzsche, grâce à sa découverte de la subjectivité des conditions de possibilité de l’expérience (l’espace et le temps) et de la causalité, aurait permis une nouvelle sagesse dionysiaque au-delà de la science : « la bravoure et la sagesse formidables de Kant et de Schopenhauer [20] ont réussi à remporter la plus difficile des victoires, la victoire sur l’optimisme caché dans l’essence de la logique, qui est à son tour le soubassement de notre culture [21] ». Dans ce passage, Kant et Schopenhauer sont présentés comme s’opposant aux « aeterna veritates [22] » véhiculées par l’optimisme, héritier chimérique de la « "sérénité grecque" [23] », qu’il critiquait déjà en 1868 — « l’optimisme et la téléologie vont de pair [24] », notait-il alors.
Il faut pourtant attendre 1874 et les Considérations Inactuelles pour que Nietzsche revienne sur ses éloges de La Naissance de la tragédie et se montre plus réservé, non seulement vis-à-vis de Kant, chez qui « il voit le risque de désespérer de la vérité, de "sombrer dans un scepticisme relativiste, rongeur et destructif [25]" [26] », mais également vis-à-vis de Schopenhauer, qu’il continue de dépeindre comme un modèle à suivre dans Schopenhauer éducateur, mais auquel peut cependant s’appliquer la critique de l’aeterna veritas à laquelle Nietzsche se livre dans De l’utilité et de l’inconvénient de l’histoire pour la vie. En un sens, la critique de l’histoire par Nietzsche dans la seconde des Considérations Inactuelles est une conséquence logique de son travail préparatoire de 1868 sur la téléologie : en critiquant la tendance des historiens de son temps (Hegel, qu’il ne cite pas, est certainement visé en tant qu’ouvrier de la philosophie) à faire de l’histoire orientée vers une fin nécessaire, qui n’est en fait selon lui qu’une réaction défensive venant de la crainte de l’oubli, Nietzsche ne fait qu’appliquer au domaine culturel ce que son projet de thèse considérait du point de vue des sciences organiques — c’est par manque de connaissances en ce domaine que son projet d’étudier la téléologie par le prisme de l’organisme vivant se vit abandonné un instant, pour finalement être repris par Nietzsche, qui s’évertua de l’étudier sous un angle plus familier à sa formation de philologue ; en premier lieu, celui de l’histoire.
Dans Schopenhauer éducateur, Nietzsche souligne l’héritage kantien de Schopenhauer en montrant le danger de solitude qui « accompagne tout penseur qui prend comme point de départ la philosophie kantienne [27] », soulignant qu’une écoute attentive du discours kantien ferait sombrer dans une solitude désespérante qui, contrairement à la solitude salvatrice et nécessaire d’un Zarathoustra, est « la solitude [qui] use et pourrit --- la solitude [qui] pervertit [28] », issue du scepticisme. Cette solitude est ce qu’atteint le lecteur attentif — lecteur aux bonnes oreilles — de Kant, dont la philosophie est assimilée au processus historique et téléologique : elle n’a, dit Nietzsche, d’utilité pratique que pour ceux qui ont besoin de s’y raccrocher du fait de leur impossibilité de trouver autre chose que cette forme raffinée d’opium populaire — ce qui nous montre là une des manifestations de l’aristocratisme de Nietzsche — ; en ce sens, c’est parce qu’il serait trop difficile d’accepter un monde anti-téléologique que l’on se repose sur la chose en soi kantienne.
Ce rapprochement entre les différentes entrées au sein de la philosophie kantienne et la critique nietzschéenne de l’histoire comme extensions de la critique téléologique peut-être appuyée par la mise en exergue de ce déterminisme larvé que l’on retrouve dans la vision kantienne de la vie organique, décrite dans l’idée de plan caché de la nature de la Proposition 8 de l’Idée d’une histoire universelle d’un point de vue cosmopolitique (1784) : « On peut considérer l'histoire de l'espèce humaine, dans l'ensemble, comme l'exécution d'un plan caché de la nature, pour réaliser, à l'intérieur, et dans ce but, aussi à l'extérieur, une constitution politique parfaite, car c'est la seule façon pour elle de pouvoir développer complètement en l'humanité toutes ses dispositions ». Partant de cette proposition, nous pouvons noter avec Jensen qu’il « serait impensable pour un étudiant en philologie, plus encore pour un étudiant tendant à la pluridisciplinarité à la manière de Nietzsche, de manquer de lier la vision proposée par Kant de l’organique à sa propre vision de l’histoire* [29] », comme nous l’avons souligné dans la seconde des Considérations Inactuelles.
Ayant présenté, par le biais de l’histoire, le rapport à la philosophie kantienne sur lequel se basent les textes de Nietzsche à partir de La Naissance de la tragédie, et avant d’étudier le substitut à la téléologie proposé par Nietzsche à la fin des années 1880, essayons de mieux comprendre son approche de la causalité kantienne en nous concentrant sur les arguments proposés par le projet de thèse, qui regroupe les propos les plus explicites de Nietzsche sur la téléologie.
Comme nous l’avons souligné, l’approche de Kant par l’étudiant en philologie qu’est encore Nietzsche en 1868 repose principalement sur des lectures de Fischer, Lange et Schopenhauer. Pour reprendre l’expression de J.-L. Nancy, nous pourrions dire que Nietzsche compose dans ses notes à partir de « l’image moyenne du kantisme "milieu de siècle" sur le motif de la téléologie [30] ».
Ce kantisme peut être résumé en deux principaux aspects. D’une part, il s’agit pour Nietzsche de reprendre la critique de la finalité métaphysique faite par Kant dans la Critique de la faculté de juger, d’un point de vue non plus purement philosophique, mais scientifique, étudiant l’organique en s’inspirant largement du darwinisme. Dès lors, l’importance des liaisons causales est relativisée ; la téléologie fait primer le hasard de la sélection d’un réel particulier (de l’existence d’une espèce particulière, sélectionnée parmi d’autres comme plus viable, dirions-nous pour rester darwiniens) sur la causalité interne. « C’est ce que Nietzsche — ou plutôt ses notes — appelle(nt) "la possibilité coordonnée" du "mécanisme joint au casualisme" [31] ». D’un autre côté, cette approche de Kant, s’inspirant du mot que Nietzsche reprend à Lange — « l’ordre et le désordre n’existent pas dans la nature [32] » — peut être pensée comme une finalité de phénomènes, nous rapprochant alors des thèses soutenues ultérieurement par Nietzsche contre les faits en soi.
Jensen distingue cinq principaux arguments contre la téléologie dans les notes de Nietzsche. Le premier, que nous avons déjà souligné, concerne l’optimisme : « l’optimisme et la téléologie vont de pair : il importe pour les deux de contester l’existence de ce qui est non conforme à une fin, en tant que véritablement non conforme à une fin. Contre la téléologie en général, l’arme est la suivante : trouver la preuve de ce qui est non conforme à une fin [33] ». Par-là, Nietzsche souligne que la description téléologique d’un organisme présuppose une fin particulière, qui permettrait une rétrospective sur le but de ses parties. Suivant cette manière de faire, il faudrait rejeter comme illogique toute partie d’un tout ne permettant pas d’atteindre cette fin particulière. Or, on trouve de telles parties dans tout organisme. Ainsi, pour contrer cet optimisme, il suffirait de pointer du doigt un élément ne tendant pas vers cet objectif particulier (ce que Nietzsche fait dans les Considérations Inactuelles en montrant que l’historien critique ne vient pas alimenter le discours justifiant une aeterna veritas).
Le second argument se concentre sur l’anthropomorphisme sur lequel se base la téléologie : « L’analogie avec l’expérience humaine pose en regard l’origine accidentelle, c’est-à-dire non méditée, de la conformité à une fin pour ce qui est, par exemple, de la rencontre heureuse entre le talent et le destin […] une telle supposition repose sur l’analogie humaine : pourquoi ne peut-il pas y avoir une puissance créatrice inconsciente qui produise ce qui est conforme à une fin, c’est-à-dire la nature [?] [34] » En d’autres termes, Nietzsche souligne ici le problème d’une régulation de type augustinienne de l’histoire du monde, concevable dans un contexte où tout finit, et présupposant que les parties se développent en vue de supporter le tout. L’argument est finalement simple ; même si l’explication augustinienne est loin d’être irrecevable — plutôt même satisfaisante —, on ne peut cependant pas l’accepter indubitablement dans la mesure où la proposition inverse n’est pas impossible.
Le troisième argument de Nietzsche s’attaque au présupposé téléologique sur lequel repose la téléologie : « Il faut à la chose en soi montrer son unité dans l’adéquation à tous les phénomènes. Toutes les parties de la nature se dirigent les unes vers les autres parce qu’il y a une volonté [ein Wille es ist]. Mais le combat épouvantable que se livrent les individus […] et les espèces contredit l’ensemble de la théorie. L’explication présuppose donc une téléologie continue : laquelle n’existe pas [35] ». Ainsi, Nietzsche montre l’aspect arbitraire, voire paradoxal, sur lequel repose l’excessive confiance que l’on accorde à la téléologie. Malgré l’acceptation du caractère unificateur de la volonté — profondément schopenhauerienne ici, loin de la volonté de puissance nietzschéenne —, Nietzsche souligne que le côté agonistique manifeste des animaux renverse les deux principales bases de la téléologie ; la volonté et la chose en soi, tendant, pourrions-nous dire, vers l’harmonisation du tout, vers ce dessein secret de la nature que soulignait Kant dans son essai de 1784. Nietzsche, semble-t-il, se satisfit pendant près de dix ans de la réponse schopenhauerienne pour sauver la volonté unificatrice de ce qui, dans les phénomènes, la rendait caduque, en distinguant radicalement la volonté de la représentation. Mais il finit par n’y voir qu’une énième tentative de se sauver des phénomènes, bien que plus habile et satisfaisante que celle de Kant.
Dans un quatrième argument, Nietzsche montre que l’existence d’éléments échappant aux relations causales rend toute la causalité chancelante, car la téléologie se veut exclusive : « la nécessité stricte du lien entre cause et conséquence exclut les fins dans la nature inconsciente. Car, comme les représentations de fins ne sont pas produites dans la nature, il faut les considérer comme des motifs insérés çà et là ; moyennant quoi la stricte nécessité est justement continuellement interrompue. L’existence est trouée de merveilles [36] ». Nietzsche souligne ici l’un des arguments adressés contre la Critique de la raison pure de Kant, selon lequel la nature regorge de relations non mécaniques. Or, selon Kant (et c’est ce qui faisait l’admiration que lui portait Schopenhauer), dans la mesure où l’on ne peut comprendre autre chose qu’un mécanisme, alors toute représentation cognitive d’échange avec la nature constituera une relation de cause à effet — la Critique de la faculté de juger répond à cette attaque, en prétendant que la nature elle-même suivait un développement non mécanique, « la faisant dès lors tomber sous les considérations du jugement régulateur [regulative] plutôt que constitutif [constitutive judgement] […]* [37] ». Dès lors, contre la 8ème Proposition précédemment énoncée, il apparaît impossible de définir un objectif auquel tendrait la nature dans la mesure où la notion d’objectif est bien elle-même proprement — et uniquement — humaine.
Enfin, Nietzsche souligne dans un cinquième argument que la causalité repose sur l’idée d’unité (de « tout »), qui est une construction elle aussi proprement humaine — transcendantale, pourrions-nous dire, dans la mesure où son présupposé est nécessaire pour la constitution d’une expérience de soi — : « L’idée d’effet est le concept de tout. Dans l’organisme, le principe efficient est l’idée d’un effet à produire. Le concept de tout est pourtant notre œuvre. C’est là que se trouve la source de la représentation de la fin. Le concept de tout n’est pas dans les choses mais en nous [38] ». Se rattachant à l’autorité de Lange et de Helmholtz, Nietzsche soutient que les relations de causalité — et la notion de causalité elle-même — n’est pas nécessairement autre chose qu’une sélection hasardeuse de notre cerveau pour organiser la matière qu’il devait traiter. Dès lors, la causalité n’étant elle-même pas une nécessité téléologique, on ne peut soutenir qu’elle tende vers une fin de la nature.
Si le projet de thèse est abandonné, ces problèmes relatifs au concept de causalité continuent à hanter l’œuvre nietzschéenne. Ainsi, dans Par-delà bien et mal : « il importe de ne pas chosifier indûment la "cause" et l’"effet" […]. On ne doit user de la "cause" et de l’"effet" que comme de purs concepts, c’est-à-dire des fictions [39] conventionnelles destinées à désigner et à rendre compte des phénomènes mais non pas à les expliquer [40] », continue-t-il de dire. Encore, dans le Crépuscule des idoles (1888) : « L’erreur : d’une fausse causalité. De tout temps, on a cru savoir ce qu’était une cause. Mais d’où tirons-nous notre science, ou plus exactement notre prétention à savoir quelque chose sur ce point ? […] Nous pensions que nous étions nous-mêmes, dans l’acte de notre volonté, une causalité [41] » Nietzsche reste fidèle à son premier argumentaire de 1868, en spécifiant cependant le domaine sur lequel il concentre son regard. De l’organique, il passe à la morale puis aux savants. Alors, un des adversaires principaux — que l’on retrouve dans les grandes figures attaquées, visées par la perversion de l’idéal ascétique, dans la Généalogie de la morale — l’ennemi téléologique de Nietzsche prend forme dans le personnage du scientifique.
Dans le Gai Savoir, par exemple, Nietzsche déplore le manque de capacité d’observation de ceux qui croient aveuglément à certains principes, comme celui de Kant, « qui à titre de châtiment pour avoir fait main basse sur "la chose en soi" — chose également fort risible —, tomba aux mains de l’"impératif catégorique", [qui] retourna par erreur à "Dieu" [42] ». Nietzsche souligne par-là que l’esprit non scientifique, le regard qui ne serait pas celui du physicien, observateur, confondrait à la manière de Kant la relativité d’un principe moral et celle d’une observation avec l’idéal d’une aeterna veritas d’ordre divin. « L’idée que la physique n’est, elle aussi, qu’une interprétation du monde, une adaptation du monde (à notre propre entendement, si j’ose dire) […] commence peut-être à poindre dans cinq ou six cerveaux [43] ». C’est ainsi, dit-il, qu’il faut devenir physicien pour être réellement observateur, et en ce sens, créateurs ; « épurer nos opinions et nos évaluations et […] créer de nouvelles tables de biens qui nous soient propres [44] », comme le dira Zarathoustra [45] — mais nous reviendrons sur ce point.
En 1888, dans L’Antéchrist, Nietzsche reproche encore à Kant d’avoir procédé à la manière de ce physicien créateur, mais non pas pour découvrir une explication nouvelle des choses avec des yeux neufs qui nous aiderait à « devenir ceux que nous sommes [46] », et non à nous enfermer dans un idéalisme sceptique : « pour en finir, Kant […] a encore cherché à rendre scientifique, sous le nom de "raison pratique", cette forme de la corruption, ce manque de consistance intellectuelle [47] : il inventa ad hoc une raison [48] ».
Nous voyons donc se profiler la figure d’un scientifique artiste, cependant incompatible avec les chinoiseries kantiennes. Kant, malgré le relativisme du transcendantal, aurait manqué le fait que « nous travaillons uniquement avec des notions fictives […] tandis que ce que l’on rencontre réellement est un "continuum dont nous isolons quelques éléments [49]", c’est pourquoi notre explication n’est en fait rien d’autre qu’une auto-description* [50] ».
Nous voyons donc que, de la critique du téléologique dans les sciences de l’organique, Nietzsche s’oriente vers une application plus générale de sa critique s’appliquant sur les sciences en général pour en venir à des considérations, comme nous nous apprêtons à le voir, concernant la morale, la notion d’identité que celle-ci suppose, et son renversement par l’esthétique goethéenne de la métamorphose — qui devient, chez Nietzsche, celle du dionysiaque.
Du point de vue de Kant, un individu moralement autodéterminé serait la fin de l’évolution naturelle. Mais cette fin « conduit alors avec nécessité à l’Idée de la totalité de la nature comme constituant un système structuré d’après la règle des fins [51] ». De ce principe téléologique, Kant tire la conséquence selon laquelle « tout dans le monde est bon à quelque chose, rien n’existe pour rien [52] ». Comme nous l’avons vu, Nietzsche réfute la validité de cette conséquence dès 1868. Pourtant, après l’avortement de sa thèse, il se concentre sur une révocation plus pratique, plus appliquée de cet argument. Ainsi, dans Humain trop humain I, la morale kantienne, basée sur le principe téléologique, est décrite comme « L’ancienne morale, [qui] exige de l’individu de ces actions que l’on attend de tous les hommes : […] chose aussi belle que naïve [53] », dans la mesure où son idéalisme irréalisable entraîne la grande solitude dont Nietzsche soulignait le danger dans Schopenhauer éducateur, et auquel un esprit fin ne peut échapper qu’en la remplaçant par de nouvelles valeurs.
Dans L’Antéchrist encore, au paragraphe XI, Nietzsche s’attaque à « Kant en tant que moraliste [54] ». Dans ce passage, Nietzsche lie l’approche kantienne des lois organiques à leurs conséquences morales ; « Les plus profondes lois de la conservation et de la croissance demandent le contraire [55] » de ces vertus immuables auxquelles appelle Kant, dit-il. Comme aucune vertu n’existe de toute éternité, il faut comprendre celles-ci comme les merveilles de la nature que Nietzsche soulignait dans son quatrième argument : « une vertu doit être notre invention [56] ».
Ce sont des remarques de ce genre qui conduisent Nietzsche à dire que « le succès de Kant n’est qu’un succès de théologien [57] », et que le scepticisme kantien permet en fait la restauration des valeurs évangéliques (ce qu’il reproche également à Schopenhauer). Dans leur rapport originaire à la religion, cela dit, Nietzsche est assez proche de Kant. Tous les deux sont fils de pasteurs, élevés dans la foi luthérienne. Kant, cependant, ne l’a jamais quittée. En ce sens, nous pouvons dire, avec O. Reboul, que Nietzsche et Kant constituent « deux moments de la pensée bourgeoise, l’un progressiste et rationaliste, l’autre irrationaliste et fascinant ; deux figures de l’homme chrétien privé de Dieu [58] », qui n’accusent pourtant pas cette privation de la même manière. L’un fera tout pour retrouver cette figure divine, s’en rapprocher le plus possible, tandis que l’autre, conscient d’en être encore trop imprégné, n’aura de cesse d’essayer de plus encore y échapper. « La morale chrétienne fut jusqu’ici la Circé de tous les penseurs, — ils étaient à son service [59] », dit Nietzsche dans Ecce Homo, avec sans nul doute une pensée pour Kant et Schopenhauer.
Cette morale chrétienne, « la forme la plus pernicieuse de la volonté de mensonge, la véritable Circé de l’humanité : ce qui a corrompu l’humanité [60] », insiste Nietzsche, trouve sa forme la plus efficace et la plus épurée dans le fameux impératif catégorique kantien des Fondements de la métaphysique des mœurs : « Au-delà du bien et du mal, c’est restaurer un principe aristocratique, affirmer contre la morale du troupeau que le bien s’identifie au noble, le mal à l’ignoble, l’un et l’autre relevant de l’hérédité et du dressage sélectif [61] » souligne Reboul à partir du dénigrement de cet impératif par Nietzsche. Dans L’Antéchrist, l’impératif catégorique est assimilé à la recherche religieuse de « l’idée de "Dieu", de "volonté de Dieu", de "révélation divine" [62] » ; le fruit d’un mensonge, conclut Nietzsche, visant à la restauration d’une forme particulière d’aristocratisme, permettant le maintien au pouvoir de la volonté de puissance du prêtre, comme s’applique à le montrer la première dissertation de la Généalogie de la morale. Déjà, dans Par-delà bien et mal, Nietzsche disait sourire de l’impératif catégorique kantien, décrit alors comme le fruit d’une tartufferie dialectique du type de celles qui font que Nietzsche dit considérer « tous les philosophes d’un œil [encore] à demi méfiant [63] », ces philosophes qui « ne font que défendre […] quelque thèse arbitraire, quelque idée gratuite, une "intuition" quelconque, ou encore, le plus souvent, quelque vœu de leur cœur [64] », comme c’est le cas ici.
Plus loin dans le même ouvrage, Nietzsche souligne dans l’impératif catégorique ce qu’il nous apprend de Kant ; cette volonté d’ascèse caractéristique, dans l’Allemagne telle que la voit Nietzsche, de la volonté de puissance du prêtre. Ainsi, fait-il dire à Kant, faisant la psychologie de son impératif : « "Ce qui est respectable en moi, c’est que je sais obéir, qu’il en soit de vous comme de moi !" Bref, [pour lui, ce n’est] pas autre chose que le langage symbolique des passions [65] ». Encore, au paragraphe suivant, Nietzsche continue sa critique de l’impératif kantien en l’opposant à un impératif qu’il attribue à la nature : « "Tu obéiras, peu importe à qui, et pour longtemps, sinon tu périras et tu perdras tout respect de toi-même", voilà, […] l’impératif moral de la nature, un impératif qui, à coup sûr, n’est pas catégorique [66] ». Leur différence, pour Nietzsche, réside dans ce « sinon » ; contrairement à Kant, la nature donne le choix conduisant du fameux « tu dois » moral au « je veux », constituant le passage crucial de la deuxième métamorphose de Zarathoustra, du chameau en lion : le chameau obéissait au « tu dois », « mais l’âme du lion dit : "Je veux !" [67] ». Contrairement à l’impératif kantien, celui de la nature, dit Nietzsche, ne se destine « pas aux individus (la nature ne se soucie pas des individus) [68] ».
Un impératif moral naturel ne viserait donc pas l’individuel. En effet, pour Nietzsche, l’individu n’est qu’une forme de cette « abominable unité [69] » vers laquelle il reprochait aux historiens de tendre en visant une fin, dans la secondes des Considérations inactuelles. Tout ce qui touche de près ou de loin à cette tendance, comme l’égalité, est le lieux d’un ressentiment plus profond : « A vous prédicateurs d’égalité : c’est une mégalomanie tyrannique de l’impuissance qui réclame ainsi par vos cris "l’égalité" ; vos plus secrets désirs de tyrans s’affublent ainsi de noms vertueux. Présomption aigrie, envie rentrée — peut-être ancestrale — voilà ce qui jaillit de vous comme une flamme, comme une folie de vengeance [70] ».
Dès 1868, dans les notes en vue de la thèse sur la téléologie, Nietzsche s’opposait à la considération de l’homme, en tant qu’animal organique, comme unité individuelle : « L’organisme est une forme. Si l’on fait abstraction de la forme, il reste une pluralité [71] ». Et plus loin : « Ces unités que nous appelons organismes sont pourtant de nouveau des pluralités [72] ». Cette idée que « le sujet individuel […] possède une existence illusoire [73] », que Nietzsche tire de l’impossibilité notée par Kant de prouver le sujet et l’objet à partir du sujet, prend toute son ampleur avec l’évolution de la pensée de Nietzsche, à partir de 1868, de telle sorte qu’elle puisse mener, selon M. Foucault, à l’un des summums de la pensée nietzschéenne — la mise en question de l’idée d’homme — : « Nietzsche a retrouvé le point où l’homme et Dieu s’appartiennent l’un l’autre, où la mort du second est synonyme de la disparition du premier, et où la promesse du surhomme signifie d’abord et avant tout l’imminence de la mort de l’homme [74] », c’est-à-dire la mort de cet idéal invivable que l’on entend encore sous le concept d’homme véhiculé par l’« humanisme bourgeois [75] », qui cache, derrière des fausses promesses d’égalité et d’individualité, le moyen d’affirmer l’emprise d’une volonté de puissance qui, dans ses propres profondeurs, est à l’opposé de ce qu’elle propose.
Dès lors, c’est avant tout en considérant l’homme (le vivant, d’une manière générale) non selon l’idéalisme destructeur d’un principe d’unité, mais en tant que pluralité que Nietzsche envisage plus tardivement d’attaquer la téléologie. En effet : « tout vivant dit Goethe [76], est non pas une singularité mais une pluralité [77] ». Nietzsche, semble-t-il, fut beaucoup marqué par la lecture de cet essai de Goethe sur les sciences naturelles ; on en retrouve en effet le principe dans toute l’esthétique nietzschéenne qui repose avant tout sur l’absence d’unité, comme l’image le rapprochement héraclitéen entre l’apollinien et le dionysiaque, deux figures opposées quoiqu’inséparables, dans une forme de dualisme que B. Stiegler assimile à l’opposition kantienne du beau et du sublime : « Nietzsche a réussi ce couple conceptuel, en un sens, avant tout en rebaptisant chaque concept (le "beau" en "Apollon" et le "sublime" en "Dionysos")* [78] ». Par ailleurs, comme le souligne E. P. Miller, « la métamorphose goethéenne, telle que Nietzsche la comprend, améliore la technique kantienne concernant l’approche de la nature en en contournant le problème de base par la constante transformation de tout en tout autre chose* [79] ».
Autrement dit, la lecture de Goethe apparaît comme ce qui permet à Nietzsche de se sortir de l’impasse dans laquelle son manque de connaissances scientifiques l’avait mis concernant la notion d’organique, pour considérer, à la manière de l’auteur de l’Essai sur la métamorphose des plantes, les choses simultanément par les yeux de l’artiste et ceux du philosophe. De cette manière, Nietzsche peut envisager d’atteindre la Begriffsdichtung, terme intraduisible, selon J.-L. Nancy, car « ce n’est pas le concept mis en poésie (Poesie), c’est la production du concept par Dichtung, c’est-à-dire d’abord par composition (mais non édification, architectonique), nous dirions : par écriture — et ensuite (en même temps) par fiction. C’est le concept comme fiction, mais aussi la fiction — active — du concept [80] ». Dès lors, par cet abandon de 1868, Nietzsche gagne une tâche esthétique pour l’avenir, qui se manifestera, contre la téléologie, par les fictions conceptuelles incarnées par l’idée de retour et celle de Zarathoustra. De la sorte, il étend son entreprise vers la considération d’une beauté, dans une métamorphose constante, qui puisse se montrer d’un moment à l’autre, dans un élan de fougue dionysiaque :
A qui sied la beauté ?
A l’homme point :
la beauté cache l’homme, –
mais un homme caché ne vaut rien.
Sans crainte montre-toi, - - - [81]
Que retient, en définitive, la philosophie de Nietzsche de celle du Grand Chinois de Königsberg ? C’est avant tout un modèle — même s’il est souvent présenté comme le modèle de ce qu’il ne faut pas faire. Nous avons essayé de montrer que, d’une certaine manière, c’est à partir de la téléologie kantienne que se constituent les fondements de la philosophie amoraliste de Nietzsche. En ce sens, on peut voir dans les grands moments de sa pensée (notamment dans l’idée d’éternel retour, ou celle de renversement des valeurs) une constante révision de son problème de jeunesse, qui le conduisait à se dresser, dès 1868, face au téléologisme de Kant.
Même dans l’alternative proposée par Nietzsche à la téléologie — un relativisme passant par la compréhension des concepts comme fictionnements, pour reprendre le « mot » de J. Derrida —, n’aurait pu être sans l’esthétique kantienne. Transposant le combat moral contre bien et mal en esthétique en combat contre beau et sublime, Nietzsche est malgré tout redevable à Kant, non seulement des principes de son art dionysiaque, mais surtout d’avoir dressé pour lui, avec Schopenhauer, un portrait de l’Allemagne des plus clairs à partir duquel il put travailler.
Notes :
[1] Cf. K. Broese, « Nietzsche frühe Auseinandersetzung mit Kants Kritizismus », in B. Himmelmann (éd.), Kant und Nietzsche im Widerstreit, Berlin, 2005, pp. 363-72.
[2] C. Gentili, « Nietzsche and "the Great Chinese of Königsberg" », p. 179.
[3] Nous traduisons (dans ce qui suit, nos traductions seront indiquées par une astérisque).
[4] F. Nietzsche, Par-delà bien et mal, VI, §210, p. 166.
[5] F. Nietzsche, Aurore, III, §206, p. 192.
[6] F. Nietzsche, L’Antéchrist, XI, p. 94.
[7] Nietzsche emploie cette expression dans, entre autres, Par-delà bien et mal (§11, p. 24), la Généalogie de la morale (II, §6, p. 133) et Le Gai Savoir (IV, §335, p. 271).
[8] F. Nietzsche, Le Gai Savoir, II, §97, p. 144.
[9] F. Nietzsche, Par-delà bien et mal, §211, p. 166.
[10] F. Nietzsche, Ecce Homo, « Le cas Wagner », §2, p. 315.
[11] F. Nietzsche, Par-delà bien et mal, VII, §228, p. 188 (cf. également le Crépuscule des idoles, IX, §1, p. 58 : « Kant : ou le cant en tant que "caractère intelligible" »).
[12] Stendhal, De l’amour, II, chap. 46 : « [les] deux grands vices anglais, le cant et le bashfulness (hypocrisie de moralité et timidité orgueilleuse et souffrante ».
[13] O. Reboul, Nietzsche critique de Kant, p. 153.
[14] L. Guerreschi, « Cosmologie téléologique et finalité organique : sur quelques sources et développements de La Téléologie à partir de Kant », p. 79.
[15] F. Nietzsche, Poèmes et fragments poétiques posthumes, W II 10, Automne 1888, p. 157.
[16] Cf. A. K. Jensen, « Teleological judgement and the End of History », p. 160.
[17] T. Brobjer, Nietzsche’s philosophical context : An intellectual biography, p. 29.
[18] En particulier l’appendice de l’ouvrage : « Critique de la philosophie kantienne », p. 755 sqq.
[19] T. Doyle, « The Kantian Background to Nietzsche’s Views on Causality », p. 46.
[20] Nietzsche souligne.
[21] F. Nietzsche, La Naissance de la tragédie, §18, pp. 215-216.
[22] Ibid.
[23] Ibid., §20, p. 231.
[24] F. Nietzsche, La Téléologie à partir de Kant, Fragment 62[4], p. 27.
[25] Cf. F. Nietzsche, Considérations Inactuelles, III, §3, p. 301 : « Mais dès que nous apercevons l’influence populaire de Kant, celle-ci apparaîtra devant nos yeux sous la forme d’un scepticisme et d’un relativisme qui rongent et qui émiettent ».
[26] O. Reboul, Nietzsche critique de Kant, p. 8.
[27] F. Nietzsche, Considérations Inactuelles, III, §3, p. 300.
[28] F. Nietzsche, Poèmes et fragments poétiques posthumes, W II 10, Automne 1888, p. 163.
[29] A. K. Jensen, « Teleological judgement and the End of History », p. 159.
[30] J.-L. Nancy, « La thèse de Nietzsche sur la téléologie », p. 12.
[31] Ibid.
[32] F. Nietzsche, La Téléologie à partir de Kant, Fragment 62[19], p. 35 (cf. F. A. Lange, Geschichte des Materialismus und Kritik seiner Bedeutung in der Gesamtausgabe, p. 197).
[33] F. Nietzsche, La Téléologie à partir de Kant, Fragment 62[3], p. 27 (HKG 3.371).
[34] Ibid., Fragments 62[3-4], p. 27 (HKG 3.371).
[35] F. Nietzsche, La Téléologie à partir de Kant, Fragment 62[7], pp. 29-31 (HKG 3.373).
[36] Ibid., Fragment 62[18], p. 35 (HKG 3.375).
[37] A. K. Jensen, « Teleological judgement and the End of History », p. 163.
[38] F. Nietzsche, La Téléologie à partir de Kant, Fragment 62[28], pp. 43-45 (HKG 3.379).
[39] Nous soulignons.
[40] F. Nietzsche, Par-delà bien et mal, I, §21, pp. 36-37.
[41] F. Nietzsche, Crépuscule des idoles, « Les quatre grandes erreurs », §3, p. 40.
[42] F. Nietzsche, Le Gai Savoir, IV, §335, p. 271.
[43] F. Nietzsche, Par-delà bien et mal, I, §14 p. 27.
[44] F. Nietzsche, Le Gai Savoir, IV, §335, p. 272.
[45] Cf. F. Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, III, « D’anciennes et de nouvelles tables », p. 248 sq.
[46] F. Nietzsche, Le Gai Savoir, IV, §335, p. 271.
[47] Il s’agit de la tendance à prendre des « "beaux sentiments" pour des arguments » (cf. F. Nietzsche, L’Antéchrist, XI, p. 95).
[48] F. Nietzsche, L’Antéchrist, XI, p. 95.
[49] F. Nietzsche, Le Gai Savoir, III, §112, p. 168 (Cf. également F. Nietzsche, Humain trop humain, II, « Le voyageur et son ombre », §11 : « Notre perception courante, imprécise, prend un groupe de phénomènes pour une unité et l’appelle un fait […] En réalité, agir et connaître ne sont pas des suites de faits et d’intervalles vides, mais un flux constant »).
[50] C. Gentili, « Nietzsche and "the Great Chinese of Königsberg" », p. 183.
[51] E. Kant, Critique de la faculté de juger, Partie II, section 1, §67, p. 371.
[52] Ibid.
[53] F. Nietzsche, Humain trop humain I, « Des principes et des fins », §25, p. 51.
[54] F. Nietzsche, L’Antéchrist, XI, p. 94.
[55] Ibid.
[56] Ibid.
[57] Ibid., X, p. 94.
[58] O. Reboul, Nietzsche critique de Kant, p. 154.
[59] F. Nietzsche, Ecce Homo, « Pourquoi je suis un destin », §6, p. 347.
[60] Ibid., §7, p. 351.
[61] O. Reboul, Nietzsche critique de Kant, p. 161.
[62] F. Nietzsche, L’Antéchrist, LV.
[63] F. Nietzsche, Par-delà bien et mal, I, §5, p. 15.
[64] Ibid., p. 16.
[65] Ibid., V, §187, p. 124.
[66] Ibid., §188, p. 127.
[67] F. Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, I, « Des trois métamorphoses », p. 64.
[68] F. Nietzsche, Par-delà bien et mal, V, §188, p. 127.
[69] F. Nietzsche, Ecce Homo, « Pourquoi je suis un destin », §8, p. 355.
[70] F. Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, II, « Des tarentules », p. 145.
[71] F. Nietzsche, La téléologie à partir de Kant, Fragment 62[25], p. 41.
[72] Ibid., Fragment 62[28], p. 45.
[73] F. Nietzsche, Par-delà bien et mal, III, §54, p. 81.
[74] M. Foucault, Les mots et les choses, II, chap. X, p. 353.
[75] O. Reboul, Nietzsche critique de Kant, p. 162.
[76] Nietzsche fait référence à l’Essai sur la métamorphose des plantes de 1829.
[77] F. Nietzsche, La téléologie à partir de Kant, Fragment 62[22], pp. 37-39.
[78] B. Stiegler, « Beyond the Beautiful and the Sublime ? Nietzsche, Aesthetics and the Question about the Subject », p. 100.
[79] E. P. Miller, « Nietzsche on Individuation and Purposiveness in Nature », p. 65.
[80] J.-L. Nancy : « La thèse de Nietzsche sur la téléologie », p. 15.
[81] F. Nietzsche, Poèmes et fragments poétiques posthumes, W II 10, Automne 1888, p. 163.
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